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Repenser la biodiversité en temps de CoVid-19

Chez Sparknews, nous croyons que les temps de crises, comme ils balaient nos certitudes, sont également de belles opportunités pour nous adapter et repenser nos rapports au monde. Pour une équipe qui tente de faire émerger de nouveaux récits pour accélérer la transition écologique et sociale, nous nous devons d’interroger quels récits germent de cette catastrophe planétaire qu’est le CoVid-19. Dans la #SparkMinute de cette semaine, nous nous intéressons à la biodiversité à travers de belles initiatives locales de solidarité, des exemples d’entreprises qui s’engagent et repensent leurs modèles et des prises de positions qui nourrissent nos imaginaires.

Monarch butterfly (Danaus plexippus), wintering from November to March in Oyamel pine forests (Abies religiosa), Monarch Butterfly Biosphere © naturepl.com Sylvain Cordier

Quand l’illusion de notre maîtrise de la nature se dissipe

Immunité collective, pandémies, zoonoses : ces concepts scientifiques sont de bien fragiles outils pour appréhender l’immensité de ce qui nous arrive. Des interprétations plus sensibles naissent alors, nourries de récits familiers : tout était écrit, ce virus serait une punition d’une Nature “qui se défend”. Des images glanées ci et là viennent nourrir cette personnification d’une Nature libérée des humains et de leurs méfaits. Des canards explorent Paris, des chèvres Llandudno se prélassent aux Pays de Galles et des orques nagent près de Vancouver. Ces informations s’avèrent pourtant au mieux parcellaires, au pire erronées. Les dates ou les lieux ne concordent pas, les images de dauphins « vénitiens » avaient par exemple été filmées dans un port de Sardaigne et les cygnes qui auraient regagné les canaux désertés de Venise s’aventurent régulièrement dans les canaux de Burano.

Cette croyance dans le pouvoir de rétablissement de la nature revient aussi à sous-estimer notre indifférence habituelle au vivant qui nous entoure. Dès 2018, on pouvait entendre les chants des chauves-souris dans les rues londoniennes ou des dizaines de chants d’oiseaux différents dans les villes françaisesCe ne sont en effet pas les animaux qui nous entourent qui sont plus bruyants, mais bien les êtres humains qui réapprennent à se taire et à écouter. Prétendre que les animaux occupent un espace dès que les humains sont partis, c’est aussi surestimer la capacité de rétablissement des espèces. Si des hérissons, grenouilles ou hiboux grand-duc ne mourrent plus sous les roues des voitures depuis quelques semaines, une augmentation significative des populations ne sera visible qu’à long terme et seulement si les nuisances humaines ne reprennent pas avec le déconfinement.

Les liens entre le coronavirus et la biodiversité s’avèrent bien plus complexes. Comme d’autres zoonoses avant lui, le Covid-19 serait la conséquence de la perturbation de l’environnement par l’être humain et de ses rapports avec les autres espèces. En effet, les animaux qui nous ont infectés ne sont pas venus à nous ; nous sommes allé·e·s les chercher. Ainsi, la destruction des écosystèmes, de la biodiversité sauvage et de la diversité génétique des espèces domestiques provoquée par l’activité humaine serait à l’origine de la croissance exponentielle des zoonoses. Un million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction d’après l’IPBES (le GIEC de la biodiversité). Le confinement est ainsi l’occasion d’un paradoxe, il nous permet d’entendre ce qui est pourtant en train de disparaître. Ou, comme le disait Jacques Prévert, “on reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va”.

Nous n’avons d’autre choix que d’accepter que l’illusion de notre maîtrise de la nature se dissipeTout reste à faire : créer un tribunal sanitaire internationalconditionner les aides financières pour la relance de l’économie, organiser la nécessaire décrue de la productionsanctuariser une partie de la natureréintroduire des arbres sur les terres agricoles et renoncer à la mise à disposition du mondeChacun·e peut agir à son échelle : changer notre mode de vie est la première étape pour préserver la diversité de la vie sur Terre. Le Forum en ligne Agir pour le vivant avec le journal Libération vous permettra de découvrir chaque semaine la biodiversité et le monde du vivant pendant deux mois. Comme tout voyage commence par un premier pas, découvrez dans cette newsletter diverses initiatives qui nous réapprennent à voir que le monde autour de nous est peuplé par le vivant.

Quand les organisations s’engagent

Le confinement actuel a conduit à reporter la COP 15 de la Convention sur la diversité biologique. Pourtant le 24 février 2020, le gouvernement chinois a interdit définitivement la consommation d’animaux sauvages et suspendu leur commerce, que ce soit sur des marchés ou en ligne. L’État a même ouvert une hotline pour que les citoyens puissent signaler toute violation de l’interdiction. A lire dans National Geographic.

Un couple de cygnes a choisi un radeau végétalisé des canaux situés dans le 19e arrondissement de la capitale pour pondre ses oeufs. Ce ne sont pas les seuls à nidifier dans des lieux insolites cette année, une autre paire avait choisi l’aile d’un Airbus de Vueling cloué au sol. Alertée par plusieurs habitants, l’adjointe à la maire Pénélope Komitès, a prévu la pose de barrières et de brides le temps nécessaire à l’éclosion des cygneaux.

La biodiversité passe aussi par la conservation de variétés anciennes. Aux Pays basque, Bio Divers Cité, lancée par Elise Tinel et Charlotte Mulet, élabore ses propres graines, semis et plants. L’association vend ainsi des plants de tomates, poivrons, aubergines, herbes aromatiques et piments adaptés au climat et au terrain. Un combat lié à celui de l’autonomie alimentaire avec une demande de revégétalisation des villes, d’installation de fermes urbaines et de réappropriation du jardinage par les citadin·ne·s. sexedate Genève. À découvrir dans France Bleu.

Préserver la biodiversité, c’est également pouvoir continuer à apprendre des autres espèces. L’entreprise Hemarina, basée à Roscoff dans le Finistère, a développé une gamme de produits médicaux transporteurs d’oxygène à base d’arénicole, un ver marin du littoral Atlantique. 40 fois plus oxygénante qu’une hémoglobine normale, l’hémoglobine d’arénicole pourrait bien aider les patients en grande difficulté respiratoire à lutter contre le coronavirus. Pour plus d’exemples de biomimétisme, nous vous conseillons l’excellente série documentaire Nature = Futur.

Initiatives locales contre désordre global

Alors que le printemps est arrivé, les insectes se sont réveillés. Certains vous rendent certainement de beaux services dans le jardin, qu’il s’agisse d’abeilles qui butinent fruits, légumes et fleurs, ou de coccinelles qui dévorent les pucerons. Pour les remercier, La Voix du Nord vous propose une activité ludique et écologique : fabriquer un gîte pour les insectes utiles au jardin.

Dans l’une de nos premières newsletters, nous mentionnions le programme de science participative de la LPO « Confinés mais aux aguets ». L’association Alsace Nature relance quant à elle une campagne de recensement des hérissons afin d’élaborer  un corridor de biodiversité au nord et au sud de l’Eurométropole de Strasbourg. En savoir plus dans France 3.

S’engager pour le vivant en un clic ! L’association Bloom a lancé l’appel “Osons sauvegarder la petite pêche côtière”, cette dernière assurant la protection de l’océan grâce à son ancrage dans les territoires, sa connaissance des écosystèmes marins locaux et ses méthodes de pêche douces. Cet appel au gouvernement par 390 petit·e·s pêcheur·se·s, scientifiques, poissonnier·e·s, figures publiques, mareyeur·se·s, élu·e·s locaux et nationaux est à signer sur le site de Bloom.

Et pour mieux comprendre le vivant, le Muséum d’Histoire Naturelle propose jusqu’au 20 juin un MOOC gratuit consacré à “Vivre avec les animaux”. Etudiez entre 2h et 3h de travail par semaine la définition scientifique de l’animal, les relations humains-animaux au fil du temps ou la sensibilité animale. Pour un regard plus juridique, découvrez cette passionnante conférence de formation par l’association Notre Affaire à Tous sur la notion de préjudice écologique.

Et si on imaginait plus loin ? 

« Comme des idiots, nous avons perdu notre lien avec la nature, alors même que nous en faisons pleinement partie. » Dans cette lettre lue par Augustin Trapenard sur France Inter, le peintre britannique David Hockney revient sur son amour de la Normandie, comment il tente de retranscrire ces sublimes printemps mais aussi comment l’art peut devenir un répit dans ce tourbillon de nouvelles effrayantes. Une vision qui se rapproche de celle des haïkus comme témoignages poétiques de la dégradation de l’environnement au Japon.  À écouter ici.

Comment imaginer d’autres interactions animales-humaines jusque dans la conservation ? Dans son documentaire sur Pierre Gay, la réalisatrice Frédérique Bedos présente l’itinéraire d’un homme qui a grandit dans puis fait grandir le Bioparc de Doué-la-Fontaine. Ce conservatoire pour espèces menacées accueille les animaux sauvages dans des enclos naturalisés, des biotopes, et collabore avec des programmes scientifiques internationaux pour leur possible réintégration. A travers l’histoire du lieu, c’est une nouvelle philosophie de la conservation qui se développe : on ne peut préserver les milieux naturels les plus précieux de la planète ainsi que leur faune qu’en améliorant les conditions de vie des populations autochtones. À visionner ici.

Et si les crises sociales et environnementales pouvaient s’expliquer par la standardisation croissante du Monde ? Cette hypothèse traverse l’ouvrage Toutes les couleurs de la Terre écrit par Pierre Spelewoy, juriste et anthropologue du droit, et Damien Deville, géographe et anthropologue. Ce dernier développe dans ce riche entretien pour Le Vent Se Lève sa vision de l’écologie relationnelle, qui s’oppose notamment à l’uniformisation du monde par le néolibéralisme. Il y appelle à une réponse citoyenne et politique forte : remettre la diversité, qu’elle soit humaine ou non humaine, au cœur des modèles sociaux. À lire ici.

Dans quel monde voulons-nous vivre ? Dans la continuité de la Fabrique des Récits, et l’initiative l’Académie du Monde d’Après, nous étions ravi·e·s d’échanger avec vous à la soirée d’hier sur comment les artistes et les médias contribuent à diffuser de nouveaux récits. La captation est disponible ici.

Chaque semaine, la minute Spark c’est une invitation à découvrir les initiatives face à la pandémie qui nous inspirent mais aussi nous permettent de réfléchir à l’après. Nous sommes persuadé•e•s que cette crise renferme de précieux enseignements sur notre système économique mondialisé. Qu’il s’agisse d’éducation, de solidarité, de rapport au travail ou au vivant, à nous de refuser de revenir au statu quo une fois la crise sanitaire passée. Découvrez les éditions consacrées à l’éducation, l’énergie, le travail et l’alimentation.

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